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Fondation Izolyatsia

Fondation Izolyatsia

Donetsk - Kyiv

Centre d’art d’initiative privée fondé à Donetsk en 2010 et installé dans les locaux d’une ancienne usine importante en plein cœur de la ville, usine qui lui a donné son nom, ‘Izolyatsia’ est une structure culturelle qui, en Ukraine, a été pionnière dans la transformation de friches industrielles en lieu de vie et de culture ; c’est un jalon et un lieu-témoin de la violence de la guerre de la Russie contre l’Ukraine.

Initié par Luba Mikhailova, fille du dernier directeur de l’usine fermée en 2005, puis mené par une équipe soutenue par des compagnies ouvertes sur des collaborations avec l’Union Européenne, la Grande Bretagne et les USA, le projet est animé par une forte volonté décentralisatrice portée par le mouvement de la culture en Ukraine : pendant quatre années, un lieu de rencontre, de résidence, de production et de diffusion permanent où plus d’une vingtaine de projets ont été menés, avec des artistes ukrainiens (dont Borys Mykhailov, Roman Minin, Zhanna Kadyrova, Sasha Kurmaz, Ivan Svitlychnyi, Hamlet Zinkivskyi) et internationaux (comme Cai Guo-Qiang, Paul Chaney, Daniel Buren, Rafael Lozano-Hemmer, Pascale Martine Tayou, Kader Attia). Lieu d’activité ouvert, proposant des rencontres littéraires et des programmations cinématographiques, des activités participatives (ainsi ce fablab pour créateurs ouvert en 2013), ‘Izolyatsia’ a organisé des expositions thématiques ambitieuses, depuis Izolyatsia 2.0 en 2010, avec un ensemble d’artistes ukrainiens. Pour la seule année 2012, ont été montées Where is the time (en collaboration avec la galerie franco-italienne Galleria Continua), Gender in IZOLYATSIA, et Turborealism (Breaking Ground). L’archive des projets conduits par ‘Izolyatsia’ est accessible sur izolyatsia.org.

Elle s’est poursuivie, malgré la prise de la ville par les pro-Russes en avril 2014, mais le 9 juin suivant, les séparatistes se sont emparés de l’usine et de la Fondation. L’intérêt logistique et stratégique de l’usine et l’esprit de revanche contre l’ouverture culturelle se mêlent dans ce qui va conduire à la destruction des œuvres et équipements, et surtout à la transformation du site en stock de munitions, en entrepôt de matériel et de véhicules militaires, et surtout en lieu de détention décrit par ceux qui en sont revenus comme un camp de concentration. Identifié comme tel depuis lors par les habitants, par les autorités ukrainiennes et par les associations ukrainiennes et internationales de défense des droits de l’Homme, Izolyatsia est désormais un centre de justice expéditive, de tortures, de mauvais traitements, d’assassinats – une zone hors droit, malgré les pressions humanitaires et les témoignages, comme celui de Stanislav Asseyev récemment publié en français (Donbass : Un journaliste en camp raconte, Neuilly-sur-Seine, Atlande, trad. de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn).

Aujourd’hui, le site de la Fondation ‘Izolyatsia’ qui s’est exilée à Kyiv depuis 2014 rend compte de manière détaillée de l’histoire terrible de l’occupation des lieux. On y entend aussi les propos glaçant d’un responsable séparatiste du lieu, pour qui l’art est aussi un objectif de guerre. Ainsi déclare-t-il en parlant des acteurs de la Fondation : « Ces gens sont malades. Et ils l’ont donné à voir à d’autres gens malades. Ces choses là ne seront jamais de l’art. (…) L’usage des drogues comme cette sorte d’art doit être puni. C’est de la pornographie. C’est pour cette raison que nous ne pouvions agir autrement. Nous ne pouvions rien faire d’autre que chasser ces gens malades et fous de l’espace de l’usine. Ils ont reçu des millions pour cela. Ils ont formé autant de gens qu’ils ont pu. Ces gens ont semé la confusion dans les têtes des jeunes gens. Nos jeunes doivent grandir, se marier, et multiplier exponentiellement la population de notre république. C’est logique que nous ayons pris des mesures pour jeter ce soi-disant art à la poubelle. [Nous devons] les arrêter, les mettre en prison, ce sont des ennemis de la nation. (…) Cela n'a rien à voir avec quelque chose de noble ou de sublime, avec quoi que ce soit de slave. Ces gens détestent tout ce qui est slave, tout ce qui est russe. »

La Fondation s’est exilée à Kyiv depuis 2014. Elle est demeurée en connexion avec la situation du Donbass, lançant des actions et recueillant de la documentation, par exemple avec le projet de recherche interdisciplinaire Donbass Studies. Ainsi était-elle invitée, à l’hiver 2014, pour une installation documentaire et une journée d’action et de conférence au Palais de Tokyo à Paris.

Depuis lors, elle s’est développée avec des soutiens institutionnels publics et privés, nationaux et internationaux. Elle a pris forme de « tiers lieu », dans un site industriel de Kyiv associant une activité commerciale (Izone) et une activité de plateforme culturelle multidisciplinaire, de résidence et d’exposition, jusqu’à la présente phase de guerre. Les derniers signes d’activité liés à sa programmation sur son site datent du 21 février 2022. Depuis, le site relaie surtout des informations d’urgence et des demandes de soutien à l’Ukraine comme Support Ukraine Now.

Un historique depuis les débuts jusqu’aux derniers développements des années 2020, est disponible sur le site ukrainer.net (publié en ligne en juillet 2020, avec une version française).

L’une des pages du site de la Fondation se conclut par cette phrase : « La guerre se poursuit. Le travail de la Fondation Izolyatsia aussi ».