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Olga Kvasha
"Dans sa cour", 2016. J'ai rencontré cette chatte dans le village entre Kyiv et Tchernihiv. C'est un endroit ancien avec de très vieilles maisons. Elles ont été construites il y a plus de cent ans. Initialement, ces maisons avaient un toit de chaume, mais dans les années 60 il a été remplacé. Quand mon ami et moi sommes arrêtés pour voir un beau jardin avec des pommes dans l'herbe, cette chatte était mécontente. Mais plus tard, une vieille femme est sortie de la maison et a expliqué qu’elle protégeait ses petits. Cette vieille femme vit seule depuis longtemps, mais elle a un jardin, un jardin fleuri et un vignoble. J'ai vraiment aimé que la vieille femme ait appelé les petits chatons Rose and Pervenche. J'aimerais beaucoup que la vieille femme et ses animaux soient vivants et en bonne santé.
« La chaleur des peupliers », 2019 Les peupliers sont des arbres spéciaux dans le paysage ukrainien. Beaucoup de peintures et d’œuvres littéraires les évoquent. Ils poussent près de la route que je prends pour aller voir mes parents. Maintenant ils sont près de ma mère, qui est restée en Ukraine. Les peupliers sont aussi ma maison, ils me manquent. Toute l’année ils boivent de grandes gorgées de soleil et brillent de l'intérieur. Et puis à l'automne ils deviennent aussi chauds que le soleil. Pour que, même en novembre, vous puissiez vous tenir à leurs côtés et rester au chaud.
« Chemin vers le Diepr », 2017 C’est l’été. Le blé est presque prêt à être moissonné et sent délicieusement bon. Une brise légère agite les épis parsemés de fleurs de carotte, de lin et de pissenlits. Un chemin est dessiné par les roues d’un tracteur, le tracteur ukrainien devenu fameux depuis la guerre, qui sert désormais à remorquer les chars russes abandonnés par les troupes occupantes. Dans le fond, coulent les eaux du Dniepr, célébrées par notre poète Taras Shevchenko. Ses restes ont été transférés en Ukraine, selon ses vœux, et enterrés sur une colline qui surplombe le Dniepr, Chernecha Hora (la montagne du moine), près de Kaniv, une ville voisine de son lieu de naissance.
« Mer Mer », 2013 C’est Marioupol. La plage de Marioupol. J’ai peint tout ce qu’offre la mer, des galets polis aux coquillages. J’ai peint un monde d’abondance, de lumière et de joie, de couleurs, où tout élément a sa place, et existe par lui-même et parmi les autres, en harmonie. Où est ce monde maintenant ?
« Chêne vert », 2021. J’ai vu ce grand arbre dans la forêt dense qui jouxte Kyiv. Il m’a semblé que je rencontrais un homme, très beau et intelligent. Je voulais lui parler. Il y a une chanson ukrainienne qui dit : « chêne vert, pourquoi t’es-tu penché ? ». Cette chanson résonnait dans ma tête quand j’étais là-bas. Je signe beaucoup de mes peintures d’un fragment de chanson ou de poème ukrainien. Cette forêt est située là où les batailles les plus difficiles ont lieu entre l’armée ukrainienne et l’occupant russe. Je me fais du souci pour lui comme d’une personne proche de moi. Dans son corps, force et jeunesse. Dans le Palais Vert , il est le roi de la forêt. Personne ne peut lui donner des ordres, seulement le Soleil.

Mon nom est Olga Kvasha. Je suis artiste et professeur d’art. Mes premières études étaient des études d’arts. Je suis diplômée de l’Académie des Arts de Lviv. Mes secondes études furent des études de droit. Je suis avocate spécialiste de droit d’auteur.

Quand la Russie a attaqué l’Ukraine, ma famille a insisté pour que ma fille et moi allions rendre visite à des parents dans un autre pays. J’ai dû quitter ma mère, ma maison et toutes mes peintures en Ukraine. Je ne peux les vendre actuellement parce que personne ne peut les transporter. En outre, certaines plateformes artistiques ne permettent plus de vendre des peintures depuis l’Ukraine (je comprends que c’est difficile en ce moment). Vendre des œuvres représentait la moitié des revenus pour ma famille. La guerre a aussi stoppé les leçons que je donnais aux enfants. Je suis passée de 10 heures par semaine à une heure en ligne. Mon mari (Denis Struck, voir la page qui lui est consacrée) est aussi artiste et maintenant il défend mon pays, comme tous les Ukrainiens. Mais la pire chose n’est pas celle-là, mais ma peine pour l’Ukraine, où je veux retourner dès que cela sera possible. Revenir pour reconstruire nos villes et peindre plus de tableaux. Presque toutes mes peintures sont inspirées par la nature de l’Ukraine et son architecture. Les deux sont en cours de destruction par la Russie en ce moment. Par exemple, dans la forêt où j’ai peint « Chêne vert» et « Chaleur des peupliers», près de Kyiv. Maintenant les batailles les plus lourdes y ont lieu. De même, je ne sais pas ce qu’il est advenu de la vieille maison représentée dans « Dans sa cour », c’est sur la route qui va de Kyiv à Tchernihiv, pas plus que de mon endroit favori, "Route vers le Dniepr. "

Mon tableau “Mer, Mer” est une plage à Marioupol, une ville détruite par les bombardements russes. Des écoles, des hôpitaux et des maternités ont été détruits. Aujourd’hui plus de 2.000 civils sont morts à Marioupol.

Je veux aussi parler de la responsabilité des personnalités du monde de la culture et du peuple pour la politique de leur pays. En décembre 2013-février 2014, des Ukrainiens ont protesté à Kyiv durant la Révolution de la Dignité parce que nous ne voulions pas d’un président marionnette qui soutenait Poutine. Mon mari et moi avons manifesté depuis le premier jour. Ils ont essayé de supprimer cette manifestation pacifique avec brutalité, et beaucoup de manifestants ont été tués dans les rues de Kyiv. Mais nous n’avons pas abandonné. On nous tirait dessus, on nous tapait, mais tant de nous sommes venus, plus d’un million, parce que nous voulions faire partie de l’Europe et pas de la Russie. Nous voulions la liberté et la démocratie pour nos enfants.